Bains de boue, piscines thermales, douches à jets… ces soins qui vous sont prescrits par votre médecin thermal ont un point en commun : l’eau. Mais, comment est-elle acheminée jusqu’à vos cabines de soin ? Comment se gère l’hygiène dans un établissement thermal ? Découvrez les secrets d’une station thermale avec Patrick, responsable technique.
Nous sommes à l’endroit du forage Austerlitz 2, qui a été mis en service en 2012. La visite commence dans les soussols du bâtiment administratif, où le forage descend jusqu’à 190.mètres de profondeur. Le forage est complété par une tige de 50 mètres. “ L’eau remonte dans toute la tuyauterie du forage dans un puits quasi artésien ” explique Patrick. “
« L’eau ne jaillit pas naturellement ”, continue le responsable technique, “ elle est pompée dans une couche de sable, de cailloux, d’agrégats et, par ruissellement, elle remplit la tige de forage ”. L’eau de la station où travaille Patrick vient de la montagne : elle met un certain nombre d’années pour se charger en soufre, en minéraux, en gaz carbonique… tous les éléments qui lui confèrent une composition unique aux effets curatifs. Les eaux de pluie infiltrent la roche montagneuse à une altitude de plus de 1 000.mètres, et se chargent en calcaire avant de circuler lentement, et de se réchauffer. On dit qu’elles se “thermalisent”. Elles entrent ensuite en contact avec des eaux anciennes, chaudes et chlorurées sodiques. C’est au contact de ces eaux et des roches qu’elle traverse que l’eau thermale acquiert ses propriétés. “ L’eau a été découverte dans la source du Bout du Monde, c’est bien sûr un lieu-dit ” rigole Patrick. “ C’est là qu’ont été découvertes les vertus de l’eau. Après un tremblement de terre, il y a eu des résurgences qui avaient une odeur et une couleur particulières. Au début, on les appelait ‘ les eaux noires ’ ” raconte le responsable technique.
“ Le soufre attaque la ferraille, le cuivre, le laiton et les oxyde. On doit donc s’équiper en matérielantioxydant,comme l’inox ”
Cette eau, riche en histoire, est acheminée jusqu’aux différentes salles de soin traitant des pathologies ORL et rhumatologie. “ La tuyauterie fait le tour du parc thermal, avec près de 200 mètres de conduite en inox. L’eau thermale est ensuite stockée dans une cuve qui se trouve de l’autre côté de la station, sous le bâtiment consacré aux soins ” continue Patrick, en montrant les nombreux tuyaux métallisés qui forment des galeries dans le sous-sol. Pourquoi l’inox ? “ Comme l’eau est soufrée, on doit adapter le matériel. Le soufre attaque la ferraille, le cuivre, le laiton et les oxyde. On doit donc s’équiper en matériel antioxydant, comme l’inox. ”

Le poste de commande de la pompe est hautement stratégique. Il se compose de cinq indicateurs qui mesurent le niveau de forage, la pression à laquelle l’eau arrive dans les tuyaux, sa température, sa conductivité et son débit. “ Nos informations sont stockées dans la machine, et nous pouvons les extraire dans une clé USB ” précise Patrick. “ Toutes les 30 minutes, les données sont sauvegardées, ce qui nous permet de faire des courbes et une surveillance des données sur plusieurs années ”. Pratique !
À quelques mètres de là, les sous-sols abritent la cuve de stockage de l’eau thermale… Mais aussi le coeur névralgique de la station. Ses coulisses. C’est là que l’eau de la cuve est chauffée, tempérée, redistribuée, mélangée. C’est également ici que l’on chaude l’eau thermale pour les bains d’eau chaude, que s’effectue le traitement des piscines, que l’eau de ville est chauffée pour les douches de propreté… “ Pour l’ORL et la rhumatologie, l’eau doit être mitigée : on mélange donc de l’eau thermale chaude et de l’eau thermale froide pour les envoyer à bonne température ” explique Patrick.
La visite se termine : “ Un peu plus loin on a les malaxeurs qui préparent l’argile. Elle sert aux illutations dans les soins en rhumatologie ” montre le responsable des lieux. L’argile est privilégiée pour les soins thermaux car elle transporte idéalement les ions de l’eau thermale et peut être chauffée. Dans les sous-sols, cette poudre est remuée en permanence avec de l’eau thermale. “ Il y a un bain-marie tout autour pour la maintenir à température : il faut l’appliquer à 47 degrés précisément pour les soins ”. Reliée au malaxeur, une pompe la distribue dans les deux couloirs de soins en rhumatologie.
“ À chaque changement de cure, nous effectuons des chocs thermiques, au niveau de tous les postes de soins pour éviter tout problème d’hygiène ”
L’hygiène, une préoccupation de chaque instant
“ Nous avons un double contrôle de notre eau thermale ” précise Patrick. “ Nous avons un laboratoire qui fait des prélèvements pour des contrôles destinés à l’Agence régionale de santé (ARS) et nous avons un autre laboratoire qui fait des contrôles pour notre information propre : il vérifie la présence de bactéries dans l’eau.
Toutes les trois semaines, à chaque changement de cure, nous effectuons des chocs thermiques, au niveau de toutes les douchettes, les bains, les postes de soins, pour éviter tout problème d’hygiène ” informe Patrick. “ Le danger ne réside pas dans l’eau thermale, elle est si soufrée, si pauvre en hydrogène et si riche en gaz carbonique qu’elle transporte très peu de bactéries. C’est surtout le point d’utilisation de l’eau de ville qui peut être un problème ”, termine-t-il.
Patrick, responsable technique des thermes d’Allevard-les-Bains
“Cela fait presque 8 ans que je suis responsable technique de la station d’Allevard. Mon métier consiste à ce que les curistes aient leurs soins tous les jours, sans interruption. Nous ne pouvons pas nous permettre de reculer les soins à cause d’une panne. L’hiver, lorsque la station est fermée, nous préparons la saison suivante. Avec mon équipe on est sur le terrain 6 jours sur 7, de 5 heures du matin à 8 heures du soir. Ce qui me plaît particulièrement dans mon métier, c’est qu’il n’est pas monotone, chaque jour est différent et représente un challenge.
Toute la difficulté consiste à anticiper les pannes, et pouvoir les réparer le plus vite possible pour ne pas interrompre les soins. ”
3 questions à …
Anne-Marie, hygiéniste en établissement thermal
En quoi consiste le métier d’hygiéniste ?
Notre rôle, c’est la surveillance de l’eau thermale et des produits thermaux dérivés : boue et vapeur. Nous faisons également du conseil en hygiène : au niveau du nettoyage des salles de soin, mais aussi du nettoyage des canalisations et des réseaux. En plus de contrôles sur place, nous faisons des prélèvements sanitaires qui sont contrôlés par l’ARS une fois par mois. On essaye d’avoir une photographie complète du réseau de la station, aussi bien des points du réseau que des salles pour en contrôler l’hygiène. On s’assure que l’eau est bien conforme, quel que soit le soin.
Quel est votre quotidien ?
J’arrive le matin, je fais le tour des salles, je vais voir les agents de soins et je vois avec eux s’ils ont des questions sur les protocoles d’hygiène. J’ai des contacts avec le service technique, pour revoir les protocoles de procédures en cas d’intervention, m’assurer qu’ils sont au point. L’après-midi, je parcours le carnet sanitaire avec le responsable de station. Je fais également des prélèvements que nous analysons en laboratoire.
Que se passerait-il si les analyses de l’eau n’étaient pas bonnes sur un poste de soin ?
Notre métier est un gage de qualité : nos laboratoires sont accrédités COFRAC — l’instance nationale d’accréditation —depuis 3 ans. On participe à la qualité et à la sécurité des soins. Le curiste se sent en sécurité grâce à nous. En cas de problème, nous fermons le poste de soin et nous procédons à des désinfections. Nous effectuons des prélèvements et des contrôles jusqu’à ce que le poste ne présente plus de signe de danger pour le curiste.